NOV 16, 2016
Depuis le 19 novembre, la mobilité urbaine brestoise s'est renforcée avec deux cabines de téléphérique transportant jusqu’à 60 personnes qui se déplacent sur plus de 400 m au-dessus de la rivière Penfeld, avec une consommation électrique potentiellement proche de zéro. Les sociétés Bartholet France et Seirel, accompagnées par Leroy-Somer, sont à l’origine de cette réalisation qui est techniquement une première mondiale.
Brest Métropole veut recentrer la ville sur les bords de la rivière Penfeld. Le téléphérique a pour but de renforcer les échanges entre les deux rives. D’une portée de 420 mètres, il relie en 3 minutes le centre-ville au nouveau quartier des Capucins, construit sur d’anciens terrains militaires de 16 hectares. L’ouvrage conçu selon la technique originale et innovante dite « du saut-de-mouton » est une première mondiale. Les deux cabines se croisent l’une au-dessus de l’autre, et non l’une à côté de l’autre comme dans un téléphérique classique, et arrivent sur le même quai. L'envergure du système et des stations, donc l'emprise au sol, sont ainsi réduites et, par conséquent, le coût global du génie civil. C’est un avantage particulièrement intéressant en milieu urbain où l’espace est limité. Cette approche innovante a permis la préservation du bâtiment de la station des Capucins classé aux Monuments Historiques. Traversant un unique pylône en acier, chaque cabine est accrochée à deux câbles porteurs de 50 millimètres de diamètre tendus à 88 tonnes. Comme les deux cabines circulent simultanément sur la majorité du parcours, on évite ainsi l’effet de contrepoids généralement observé sur les installations de montagne.
Un hublot permet de voir le trajet du téléphérique à la verticale
Un des défis lancés par Brest Métropole constituait à mettre en œuvre une solution à basse consommation énergétique. L’idée était donc de récupérer l’énergie de freinage mais les opérateurs d’énergie ne valorisent pas encore systématiquement la réinjection de courant sur leur réseau. Le cadre législatif le prévoit par exemple pour la production d’énergie solaire, mais certainement pas lorsque le système consomme et réinjecte du courant sur des cycles très courts, comme c’est le cas à Brest. La solution consistait donc à stocker l’énergie dans des batteries supercapacités lorsque les cabines sont en descente pour que cette énergie soit ensuite réutilisée à la montée suivante.
Le projet a été confié à Bartholet France, pour le système de téléphérique, et à Seirel spécialiste des équipements électriques et d’automatismes de sécurité, pour le transport par câble. « Nous avons contacté plusieurs fournisseurs et seule la société Leroy-Somer bénéficiait d’une expérience pour ce type d’application, en étant de plus capable de fournir tous les composants électromécaniques », explique Thomas Savin, chef de projet pour Seirel Automatismes.
Moteur IMfinity LC de Leroy-Somer entraînant les câbles de traction
Le cœur du système, l’entraînement des câbles de traction, est piloté par deux moteurs asynchrones Leroy-Somer IMfinity LC 315 (300 kW, 1500 tr/mn, 460V) de dernière génération avec refroidissement liquide, montés en maître-esclave sur le même arbre. Cette installation offre la possibilité supplémentaire d’une double redondance puisqu’un seul des deux moteurs suffit à la poursuite de l’exploitation, en mode dégradé (vitesse inférieure). Les moteurs sont commandés par deux onduleurs Powerdrive MD2S Leroy-Somer, eux-mêmes alimentés par des redresseurs synchrones Powerdrive MD2R connectés au réseau électrique. Un convertisseur DC, également issu de la gamme Leroy-Somer, permet de gérer le fonctionnement des supercondensateurs M65V385F développés par Blue Solutions (Groupe Bolloré). Les supercondensateurs (également appelés supercapacités) ont été spécifiquement conçus pour satisfaire aux besoins des applications industrielles nécessitant de fortes puissances électriques. Répondant à un cahier des charges des plus exigeants, ils se chargent et se déchargent en quelques secondes et assurent des durées de vie de plusieurs centaines de milliers de cycles.
Variateurs Powerdrive MD2 utilisés dans leurs trois modes de fonctionnement : régénératif AFE, onduleur moteur et DC/DC en management de stockage d’énergie
« Cette réalisation n’aurait pu être possible sans l’expertise de Leroy-Somer dans l’ingénierie de projets », déclare Guillaume Bourgoint, responsable marketing applications pour Leroy-Somer. « En nous appuyant sur une vaste gamme de moteurs et de variateurs aux technologies variées, nous avons la possibilité de proposer à nos clients du sur-mesure en termes de systèmes d’entraînement et d'automatisation. Ainsi, l’association du moteur IMfinity LC, caractérisé par la puissance en silence, au convertisseur Powerdrive MD2, la puissance à la carte, nous est apparue comme une évidence au regard des spécificités et des contraintes de l’application ».
Architecture de l'alimentation
« Nous avons apprécié que Leroy-Somer partage son savoir-faire et nous assiste lors de la phase de conception du projet avec son approche solution et son expérience. De plus, avoir un seul interlocuteur responsable de l’ensemble des composants de mouvement était une excellente garantie pour nous dans le cadre d’un projet aussi novateur. En particulier, nous souhaitions un unique fournisseur pour les moteurs et leur commande. Nous utilisions traditionnellement une autre marque de convertisseur mais le Powerdrive MD2 de Leroy-Somer s’est révélé être un jeu d’enfant à configurer », ajoute Thomas Savin.
En cas de perte de réseau, un mode secours, sur groupe électrogène avec un alternateur basse-tension de type LSA 44.3, également fabriqué par Leroy-Somer, permet le rapatriement en gare des cabines. La sécurité a été étudiée dans les moindres détails pour parer à toutes les éventualités.
« C’est la première fois qu’un téléphérique intègre une solution de récupération de l’énergie avec des batteries. Cette réalisation est à l’image de notre société qui sait se positionner sur des projets d’ingénierie plus complexes et servira sans doute d’inspiration pour d’autres projets à travers le monde », explique Nicolas Chapuis, Directeur Général de Bartholet France.
« Un autre challenge du projet était que l’espace disponible pour l’implantation des moteurs se trouvait à proximité immédiate des voyageurs. Le design d’inspiration industrielle du projet a fait que les moteurs sont seulement à quelques centimètres derrière une baie vitrée, à la vue des usagers. Le silence et la compacité des équipements étaient donc essentiels à l’ergonomie du site et au confort des passagers. Là encore, Leroy-Somer, s’est distingué de la concurrence avec sa solution de moteurs IMfinity LC », ajoute Nicolas Chapuis.
Refroidis par liquide, les moteurs asynchrones IMfinity LC sont jusqu’à 25% plus compacts qu’un moteur refroidi à l’air de puissance équivalente. Leur niveau sonore est également diminué de 10 à 20 dB, permettant une discrétion acoustique optimum. Ce gain s’explique par l’efficience du circuit de refroidissement qui enveloppe complétement la motorisation. Sa conception fiable et son rendement énergétique Premium IE3 en font l’un des moteurs les plus aboutis de la gamme IMfinity. « La série LC, proposée de 150 kW à 1,5 MW, est idéale dans tous les cas où le moteur est proche des opérateurs ou des utilisateurs de l’application. Elle répond à un besoin de plus en plus pressant de confort acoustique des équipes de travail d’un atelier ou des utilisateurs se trouvant à proximité», explique Guillaume Bourgoint.
Le trajet de ce téléphérique se prête plutôt bien au développement d’un système régénératif de récupération de l’énergie, car il s’effectue d’abord en montée, puis en descente, les points de départ et d’arrivée étant à une altitude équivalente. De l’énergie est consommée pour arriver au point sommital de la ligne. Une fois ce point franchi, la phase de descente constitue une source d’énergie de freinage réinjectable dans le système pour alimenter à nouveau la montée réduisant ainsi la facture énergétique d’une manière très significative.
« Cette réalisation peut servir d’exemples pour d’autres applications industrielles, pourquoi pas en levage par exemple», explique Thomas Savin. « L’économie énergétique est théoriquement supérieure à 90 %, mais le principal frein aujourd’hui se situe au niveau des supercapacités. Ici, nous les avons dimensionnées pour stocker environ la moitié de l’énergie nécessaire et cela représente déjà un investissement de 200 000 euros. Il est probable que ce coût diminue rapidement dans un futur proche».